Note : 10/10
« […]
J’ai dû m’assoupir, car le bruit de la porte me fait sursauter.
L’homme entre, toujours armé et vient s’asseoir à côté de moi. Je me blottis sur le matelas à l’opposé de mon ravisseur. Il ne prononce pas un mot, me regarde. Je sens qu’il faut que je rompe le silence :
— Je m’appelle Caroline Strauss, je suis enseignante.
— Je sais.
— Peut-être pourriez-vous me dire comment je dois vous appeler ?
— David.
— David, c’est un joli prénom. Est-ce que je peux savoir ce que je fais ici, David ?
J’ai souvent entendu dire qu’il fallait créer une relation avec le ravisseur en cas de kidnapping. Employer son prénom me semble donc être une bonne stratégie.
— Non, c’est trop tôt. Tu le sauras un jour, le moment venu, et à ta place, je ne serais pas si pressée.
— Est-ce qu’au moins je pourrais avoir mes vêtements ou une couverture. Il fait si froid.
— Tu n’as pas à réclamer quoi que ce soit ! Je t’amènerai ce que je voudrai bien t’amener quand je l’aurai décidé.
— D’accord, c’est vous qui choisissez.
— Bien ! Reste obéissante et tout se passera sans douleurs inutiles.
Il s’approche de moi, passe son couteau sur mes bras comme il l’a déjà fait et ajoute :
— Dans le cas contraire, tu le regretterais amèrement.
Sans se retourner, il rejoint la porte qu’il referme derrière lui.
Mon Dieu, que va-t-il advenir de moi ? J’aurais voulu lui sauter à la gorge, tenter de fuir, hurler ! Mais cela ne servirait à rien si ce n’est à le mettre en colère. « Des douleurs inutiles » a-t-il dit, y a-t-il des souffrances utiles ? Celle de l’enfantement, j’imagine, par exemple, souffrir pour donner la vie reste une douleur magnifique. Pourrai-je connaître un jour le bonheur d’être mère ? Pas si je reste ici en tout cas ! Pas s’il me tue et enterre mon corps dans les bois. À qui vais-je manquer ? Mes amis et mes collègues ? Ils m’auront bien vite oubliée. Rasta ? Le pauvre chien sera mort de faim avant de pouvoir trouver une autre famille. La faim… elle me tiraille le ventre, fait grogner mon estomac, depuis quand n’ai-je pas mangé ? J’ai envie d’un steak ! Étonnant, je suis végétarienne…
Une petite voix s’insinue dans ma tête : une végétarienne captive qui ne pense qu’à avaler de la chair animale ! Bravo, Caro !
Je ris toute seule, voilà que ma conscience me parle maintenant ! Discuter avec soi-même, voilà ce qu’il faudrait que je fasse pour ne pas perdre les pédales. Et faire du sport, des abdos, du gainage, des pompes. Si je trouve l’occasion de m’échapper, il me faudra courir, le plus vite possible, peut-être même me battre. Oui ! C’est ça, je dois éviter de m’engourdir. Je cale alors mes pieds sous le sommier et entame une série de douze abdominaux. Je ne peux en faire plus, le manque de nourriture crée des vertiges. Alors je m’allonge sur mon lit, me recroqueville sur moi-même. Il ne faut pas dérailler, il faut aussi entretenir le corps et l’esprit. Je pense à Jane Austen ! J’ai donné « Raison et Sentiments » à lire à mes élèves pour l’été. La raison, je ne dois pas la perdre, je dois garder les idées claires, je dois rester lucide. Les sentiments négatifs, comme la peur, ne doivent pas gagner, l’angoisse ne doit pas me terrasser. Il faut que je continue à créer un contact avec mon bourreau, il ne doit pas voir ma frayeur, si je lui obéis peut-être me relâchera-t-il.
Tu as vu son visage et tu connais son prénom, pourquoi te laisserait-il en vie ?
— Ta gueule !
Je hurle à ma conscience, je ne veux pas l’entendre, il ne faut pas perdre le peu d’espoir qu’il me reste. »
Caroline & David
Résumé : « Été 1974
Qui est le ravisseur de Caroline ? Que veut cet homme qui la séquestre et tue à petit feu son humanité ? Comment va-t-elle tenter de survivre dans ce huis-clos, bâti de murs d’angoisse, alors qu’elle perd toute notion de temps et que la folie devient sa seule compagne ?
Une véritable plongée dans les abysses pour cette jeune femme qui est loin de se douter que le passé va la rattraper, pour l’anéantir plus encore.
Dérangeante, étouffante, l’histoire de ces deux âmes va plonger le lecteur dans les Ténèbres. »
Mon Avis
Tout d’abord, je remercie chaleureusement les Éditions Elixyria, mon partenaire littéraire, pour l’envoi du roman ainsi que de leur confiance en moi et en mon blogue.
Sans blague, je me demande vraiment comment la maison d’éditions fait pour dénicher toutes ces belles histoires tout comme les auteur(e)s qui les écrivent. Elle réussit parfaitement son pari. À tous les coups. Enfin, à mes yeux, c’est toujours le cas lorsque j’ouvre un roman publié par mon partenaire littéraire. Rire. Oups, petite parenthèse de ma part, revenons à nos pire cauchemars… heu… à nos moutons.
Alors, c’est en plongeant, sans aucune hésitation, dans l’inconnu que j’ai commencé ma lecture. Je ne vous cache pas que la dernière phrase du résumé m’a quelque peu surprise. Je me suis dit, ça c’est ce qu’on verra suivi d’un rire machiavélique. Rire (Mouhahaha). Mais, ne connaissant pas Sandrine Périgois, je ne savais pas ce qu’elle avait envisagé pour les pensées de l’héroïne et pour les nombreuses péripéties. Mystère. Il était impossible d’anticiper la fin, tout et n’importe quoi pouvait arriver.
UNE ATMOSPHÈRE INQUIÉTANTE ET SOMBRE…
En lisant, j’avais vraiment l’impression que j’allais devenir folle. L’auteure n’hésite pas dès les premières pages à nous entraîner dans les pires abus et atrocités que la Terre ait connues. Sandrine Périgois m’a fait voir les démences de ses protagonistes tout comme leur tempérament. Malgré cela, j’ai pu détecter une certaine forme de dramatisme. « Ténèbres » est une histoire ombrageuse et bouleversante à la fois. Était-ce voulu ? Je ne saurai vous dire… Pourtant, c’est ce qui fait que c’est captivant. Dans tous les cas, sachez que je l’ai dévoré.
Ceux et celles qui ont le cœur sensible, puis-je vous donner un conseil ? Passez votre chemin, car plusieurs moments du livre risquent fortement de vous choquer. Une lecture particulière qui ne plaira pas à tous, malheureusement.
ROMANCE OU DARK ROMANCE ?
Comment vous dire cela ? En toute franchise, « Ténèbres » n’est définitivement pas une histoire mielleuse et pourtant il a des critères pour être vu comme une romance interdite tout comme un thriller ou un suspense. C’est très difficile de le catégoriser. Ceci étant dit, je ne veux pas vraiment entrer dans les cas, au risque de vous spoiler sur certains points importants. Rire.
Dans « Ténèbres », on fait la connaissance de Caroline, une jeune femme dans la trentaine qui fait un métier qu’elle admire beaucoup. Professeur de littérature, la lecture est pour elle une passion qui lui a permis de s’évader et de découvrir de nouveaux horizons. Sans compter qu’elle aime aussi mélanger son travail et son interprétation littéraire. Seule depuis la mort de ses parents, Caroline n’a pratiquement aucuns amis sur qui se fiez ou se confiez lorsqu’elle a besoin d’une oreille attentive. Néanmoins, il ne suffit que d’un événement pour que sa vie soit complètement mise sans dessus dessous.
Ainsi, c’est lors des vacances scolaires que Caroline se réveille dans un endroit dont elle ne connaît absolument pas. C’est alors que des questions fusent, sans arrêt, dans son esprit… Que lui est-il arrivé ? Pourquoi est-elle là ? C’est à travers son point de vue que l’on découvre ce qu’elle a subi tout au long de sa séquestration : menaces, humiliations verbaux, violence physique, viols et j’en passe beaucoup. Caroline nous illustre également son sombre calvaire et combien de temps celui-ci a duré. Qui est cet homme qui l’a kidnappé ? Que veut-il ? Pourquoi l’a-t-il choisi elle et pas une autre ? Qu’a-t-elle de spécial ? Questionnements après questionnements… Cependant, la question qui ne cesse d’hanter Caroline est… Que va-t-il faire d’elle lorsqu’il y aura terminé de jouer avec elle ?
En ce qui concerne le style d’écriture de l’écrivaine, je l’ai trouvé fluide et sublime. À travers les mots de Sandrine Périgois, on se retrouve dans un univers stressant et rempli de suspense. Pas une seule fois j’ai lâché mon roman afin de passer à autre chose. Il fallait ABSOLUMENT que je bouquine jusqu’à la dernière feuille pour avoir le fin mot de cette histoire. Sans équivoque, l’auteure parvient avec brio à maîtriser son sujet.
La trame de « Ténèbres » est portée sur deux interlocuteurs troublés et désemparés par la vie. Et pourtant, malgré toutes les injustices que Caroline subi et les illégalités que David cause à Caroline, on a l’impression que Sandrine essaie tout de même de privilégier le sens de la vie. D’autant plus que j’ai aussi aimé lire « ROUGE COQUELICOT », un petit récit que l’on retrouve dans les dernières pages.
Vous l’aurez compris, je suis tombé sous le charme du contenu tout comme la plume. Bien décrit et imaginer, il est facile de visualiser le tout… Un peu trop même. Rire.
Un dernier mot ?
Finalement, « Ténèbres » est une œuvre littéraire qui m’a immergée et un peu perturbée sur quelques passages. En effet, certaines scènes étaient si poussées à l’extrême que j’ai dû fermer les yeux pour digérer ce que je voyais. Sandrine a une calligraphie souple tout en étant rigide à la fois. De plus, l’histoire se déroule dans les années 70, une petite promenade de santé au cours du temps. Concernant Caroline, j’ai trouvé qu’elle avait une forte personnalité. Je le répète… Ceux et celles qui ont l’âme sensible, ne lisez surtout pas ce roman. Les autres, je ne peux que vous le conseiller. Foncez ! J’espère qu’il vous plaira autant qu’il m’a plu. Pour ma part, je compte suivre de près les parutions de Sandrine Périgois, je souhaite de nouveau plonger dans son monde littéraire.
#Sara